L’amour : le drame d’une victime devenue bourreau

Troisième long-métrage du scénariste et réalisateur québécois Marc Bisaillon, L’amour vient compléter sa trilogie s’inspirant de faits réels, amorcée en 2006 avec le film La lâcheté et poursuivie en 2011 avec La vérité. Cette fois-ci, il s’intéresse au cas de Stephen Marshall, qui avait ébranlé le Canada (surtout anglophone) en 2006.

À l’époque, le jeune homme de 20 ans (qui, dans le film, se nomme Alex et est interprété par Pierre-Luc Lafontaine) quitta la Nouvelle-Écosse, où sa mère et lui résidaient, pour rendre visite à son père dans le Maine. Lors de ce bref séjour, il emprunta une arme à feu à son géniteur, avant de se rendre au domicile respectif de deux délinquants sexuels et de les abattre. Lorsque l’autobus qui le ramenait au Canada fut intercepté par des policiers américains, Stephen Marshall se suicida avant d’être arrêté. En fouillant dans son ordinateur, les forces de l’ordre découvrirent qu’il consultait des registres publics de délinquants sexuels depuis des mois. Une question brûlante se forma aussitôt: pourquoi ce jeune homme, que l’entourage décrivait comme doux et gentil, ressentit-il une pulsion meurtrière aussi ciblée?

Si L’amour cherche à fournir une réponse à cette interrogation, le film va toutefois au-delà du simple fait divers. Le script en suit les grandes lignes, présentant une fidèle reconstitution des événements, entrecoupés de retours dans le passé qui résument l’enfance et l’adolescence d’Alex. Intimidation à l’école, disputes houleuses et divorce des parents (joués par Fanny Mallette et Paul Doucet), déménagement du père aux États-Unis, avec lequel Alex habitera pendant quelques années. Et, surtout, la fascination du paternel pour les armes à feu, qu’il transmettra à son fils. Le jeune homme en témoigne d’ailleurs lorsqu’il déclare à sa mère que son père lui ont appris la violence – une violence qui se joue en trame de fond, tout comme le malaise général qui croît au fil des scènes, face à la relation malsaine qui se dessine entre les deux hommes.

En parallèle du périple d’Alex se déroule aussi la quête de sa mère, partie à sa recherche avec son nouveau mari (Claude Despins). La perspective maternelle prend une place importante dans le film, puisque Marc Bisaillon a été aidé par la mère de Stephen Marshall tout au long du processus de recherche. Les informations qu’elle lui a fournies sur son fils et sur sa famille ont permis au cinéaste d’approfondir la psychologie des personnages, ainsi que la nature des relations entre ceux-ci. Sa contribution a également amené Marc Bisaillon à forger sa propre interprétation des faits, qui l’a ultimement conduit à voir Stephen, et donc Alex, comme des victimes.

À l’heure où les histoires de fusillades et de radicalisation chez les jeunes se succèdent dans les médias, on a tendance à oublier qu’il ne s’agit que de la pointe de l’iceberg. Pareils drames sont bien souvent le dernier d’une longue accumulation de petits désastres. Ils sont préparés dans l’ombre et parfois dans le silence, par des gens que personne n’a su sauver. L’amour est un film bouleversant, qui propose une réflexion complexe sur les rôles de victime et de bourreau et qui rappelle l’importance de l’écoute et de la communication.

Le film a pris l’affiche vendredi le 16 novembre.

Cinéma Beaubien : http://cinemabeaubien.com/fr/film/l-amour-derniere-semaine-_fr

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